Témoignage extrait du livre "pédophilie, prévenir pour protéger", de Latifa Bennari.
Arnaud fait partie de ces pédophiles abstinents qui vivent à peu près en harmonie avec leurs attirances.
Arnaud fait partie de ces pédophiles abstinents qui vivent à peu près en harmonie avec leurs attirances.
Quand un ami m'a parlé de Latifa, j'ai tout de suite voulu la rencontrer. Dans l'idée de partager notre vécu, elle victime d'un côté, moi de l'autre côté : pédophile désirant comprendre certaines choses.
A ma grande surprise avec Latifa, j'ai découvert quelqu'un d'humain, de sensible et à l'écoute. Cela devient de plus en plus rare quand on aborde ce sujet.
J'avais l'habitude de voir deux catégories de personnes :
-La première, constituée de gens plutôt dans les nuages à vouloir sans cesse justifier leur attirance.
-La deuxième, constituée d'interlocuteurs agressifs, qui trouvent que l'attirance pédophile en elle-même, bien que n'étant pas un choix, est un crime.
Je n'ai pas de message à faire passer, sinon partager du haut de mes 20ans ma maigre expérience sur ce sujet. Dans un premier temps, je vais essayer de résumer ma vie en quelques lignes.
J'ai grandi dans une famille où ma mère se montrait trop mère poule. Jusqu'à mes 7/8ans j'ai mené une vie heureuse. Je ne me rendais pas compte de la déchirure entre mes parents et de l'avenir qu'elle allait me faire vivre.
J'ai eu ma première expérience sexuelle à 10ans, avec un enfant du même âge, qui fut mon initiateur en la matière. Je le considérais comme un ami, rien de plus. A vrai dire j'étais assez réticent à ces relations, mais à chaque fois le désir me poussait à les renouveler, et je cessais de me soucier de ce qui avait de l'importance pour moi cinq minutes auparavant. La seule chose que je regrette aujourd'hui dans cette relation, c'est de ne pas avoir été plus loin.
J'étais très affectif, or, comme nous allions passer au collège, nous n'aurions plus la possibilité de nous voir. Celà m'a beaucoup marqué durant mon enfance. Pendant deux ans, je n'ai rêvé que de le revoir, avant de devoir l'oublier.
Je suis tombé amoureux plusieurs fois, de garçons de mon âge ou plus jeunes. Je ne me posais pas de questions et, même si je m'en étais posé, personne n'aurait été là pour y répondre.
J'ai passé un an dans un internat, j'ai eu durant deux semaines une copine âgée de 13ans (moi 14). Je ne l'aimais que très peu : celà ne fut pas très grave, encore moins pour elle que pour moi. Puis j'ai eu avec un garçon de 12ans des rapports beaucoup plus intimes qu'avec le premier. Pourtant je regrette aujourd'hui que cette relation ait été dépourvue de sentiments.
Pour moi, la dure réalité de la vie n'a pris son sens que lors de mes seize ans. Je me disais alors que le sexe, c'est avec les garçons, l'amour avec les filles.
Et c'est là que j'aperçus Alain. Je me levais plus tôt pour le voir sortir du car, je passais tout mon temps à essayer de le voir, jusqu'au jour où il devint mon ami. Il avait 12ans et moi 16. Vers le milieu de l'année, je lui ai dit que j'étais amoureux de lui. A ma grande surprise, il l'a très bien pris. Pour lui, j'étais un ami, rien d'autre. Seuls quelques calins nous liaient affectivement. Pourtant je crois aujourd'hui que s'il n'avait pas été là j'aurais pu mal tourner.
A cette époque, j'ai voulu savoir le pourquoi de tout celà. Le premier livre que j'ai lu sur la pédophilie résumait la question assez vite : tu es violeur, un monstre incapable d'aimer, il faut rétablir la peine de mort pour toi, tu es un sadique, un prédateur.
Je ne savais plus où me placer. Les sentiments que j'avais pour Alain étaient sincères et rien au monde n'aurait pu me faire croire en ce tissu de haine. J'ai donc lu d'autres livres sur le sujet. Tous aussi dévastateurs les uns que les autres. Mais j'ai vite remarqué que la plupart des auteurs de ces livres semblaient prétendre tout savoir, connaître l'absolue vérité sur le sujet. Pas un seul pourtant ne disait exactement la même chose ; pour certains, 60% des pédophiles avaient été abusés au cours de leur enfance, pour d'autres seulement 10%. Certains disaient que les pédophiles étaient des malades qui souffraient beaucoup, d'autres qu'ils étaient tous des dangers publics sans âme.
J'ai vite appris à regarder ça d'un regard plutôt amusé qu'autre chose.
Aujourd'hui, j'ai grandi, j'ai consulté des psychiatres, des spécialistes, et ils n'ont pas changé : à chaque fois un son de cloche différent. Certains trouvent que la pédophilie est intolérable, d'autres que les fantasmes ne sont pas si graves du moment que l'on ne passe pas à l'acte. D'autres encore essaient de comprendre sans y parvenir. Mais je n'ai pas dû voir les bons spécialistes.
J'ai eu chez moi quantité de vidéos pornographiques avec des enfants. Je n'ai pas vu d'enfants de deux ans violés et assassinés. Je n'ai pas pu trouver non plus des photos de meurtres que certains se plaignent de trouver par hasard en cinq minutes. J'ai vu des enfants manipulés, dans un internant en Russie. Les pays de l'Est sont des gros producteurs. J'ai aussi vu, d'un autre côté, ce qui se passait dans les années 70, des vidéos avec des enfants qui sourient et qui rient pendant un acte sexuel. J'ai vu aussi des actes avec violence où le sourire était loin d'être présent...
Néanmoins aucune distinction ne sera faite entre un enfant qui était pris en photo, avec son consentement et celui de ses parents, dans les années 70, et un viol au sens propre du terme, c'est à dire avec violence... Enfermer quelqu'un pour ce qu'il a vu ne me semble pas normal. Condamner les producteurs serait à mon sens plus logique.
Je ne suis pas un ange, mais j'ai un coeur comme tout le monde et je suis capable d'aimer, contrairement à ce que disent beaucoup de gens qui ne me connaissent pas.
Je comprends l'intérêt de dire que tous les pédophiles sont des monstres, pourtant j'en ai vu à ce jour plus de soixante et je n'en ai jamais vu un pareil, ils sont tous différents. J'en ai vu des instables, des rêveurs qui s'imaginent trouver l'amour au coin de leur rue, et qui font des bêtises sans s'en rendre compte. D'autres encore à ne penser qu'à leur intérêt personnel et à abuser des enfants. Mais la plupart de ceux que je connais ne sont pas passés à l'acte, pour telle ou telle raison, et souffrent comme les autres de la manière dont la société les considère.
Je ne suis pas du genre à accuser la société de tous les maux. Chacun est responsable de ses actes, tout le reste n'a pour but que de se déculpabiliser. Mais un pédophile est responsable de ses actes et pas de ses attirances. Cela est pour moi est une évidence incontestable. Pourtant encore contesté par beaucoup de gens qui, faute de s'être interrogés sur la question, ont une opinion... bien à eux.
Aujourd'hui, le simple fait de ne pas dire du mal d'un pédophile, c'est vouloir faire de la propagande.
Dire que parfois l'enfant ressent du plaisir sexuel est une honte (ce n'est pas parce qu'il éprouve des sensations sexuelles que celà est automatiquement bien pour lui, cela va de soi).
Bien sûr selon la loi, celà est beaucoup plus choquant quand un adulte de dix-huit ans a une relation sexuelle avec un mineur de treize ans que lorsque le plus grand a dix-sept ans (la loi, en théorie, ne condamne pas ce type de relation, en l'absence de contrainte, de surprise et de violence). D'ailleurs, en France, l'âge de consentement est fixé à quinze ans. Mais dans d'autres pays, il l'est à seize, douze, dix-huit, vingt et un... Selon les états, les enfants sont plus sensibles, c'est bien connu.
Au delà des lois se trouvent les sentiments de chacun, ceux de l'enfant, les miens. J'ai fait beaucoup d'erreurs et j'en ferai certainement beaucoup d'autres. J'ai appris à souffrir, j'ai fait aussi souffrir d'autres (je ne parle pas spécialement de sexualité ici). Malgré tout, je crois que dans une relation le sexe n'est pas utile. Etre en présence d'enfants, les voir sourire, leur parler m'est indispensable même si cela est encore une source de souffrance. Souffrir n'est pas pour moi une excuse, c'est juste un fait.
J'ai aimé beaucoup d'enfants, j'ai eu avec trois d'entre eux des relations sexuelles, quand j'étais moi-même enfant ou adolescent. Une fois seulement, cela ne s'est pas bien terminé. Cela m'a servi de leçon. Je n'en parlerai pas ici pour plusieurs raisons, la première pour que cet enfant ne souffre pas s'il se reconnaît, la deuxième parce que ce ne serait que mon interprétation de l'histoire et qu'il est hors de question qu'il n'ait pas son mot à dire.
Je n'ai aucune solution. Pour les enfants comme pour les adultes, je pense qu'il faudrait plus de reflexion. Quand, à la marche blanche qui a eu lieu à Paris, je vois une petite fille, qui devait avoir 10ans, manifester avec sa mère, en portant un panneau écrit : "Mon papa m'a caressé le minou", je me demande ce que disent les protecteurs de l'enfance qui sont censés être à côté. Je me demande si cette mère vaut mieux que le père. J'ai trouvé cela sidérant, surtout pour la petite fille, filmée, prise en photo!
Il n'y a plus guère qu'à propos des pédophiles que l'on puisse se permettre de dire sans rougir qu'il faut les brûler sur la place publique sans soulever un vrai mouvement de protestation (qui serait aussitôt interprêter par de la complaisance).
Certaines associations laissent passer sur leur site internet des appels au meurtre sans même les censurer. On peut y lire : "coupez leur les couilles, il faudrait les mettre dans des camps, les laisser en prison à vie...". Bien sûr il s'agit ici de pédophiles, personnes étant attirées sexuellement par des enfants. Aucune distinction entre pédophiles abstinents et pédophiles passés à l'acte, aucune distinction entre viols et relations sans violence ni contraintes.
Bien sûr, si un jour, comme je l'ai vu, un pédophile demande de l'aide pour ne pas passer à l'acte, il sera censuré par les modérateurs de ces sites. Le plus triste est que certaines de ces associations se prétendent pour le respect de la personne. Ce n'est pas avec des gens qui s'autoproclament ainsi représentants de l'enfance que les enfants seront bien protégés.
Je pense qu'il faut lancer des débats, reflechir, sur le pour et le contre de chaque action.
Il faut arrêter de croire qu'il est normal pour un prêtre d'écoper de 18ans de prison pour avoir eu des rapports sexuels avec un mineur entre ses 13 et 19ans. Ce dernier ayant précisé à la télévision, sans que cela choque personne, que la seule chose qui le gênait alors était de se croire homosexuel. Si cela mérite condamnation, qui pourra argumenter qu'elle doive être de 18ans? Durant le même temps, un père qui avait tué son enfant a été condamné à 18ans de prison aussi.
Beaucoup d'enfants et d'adultes souffrent aujourd'hui. Il est temps de laisser ses gants de boxe au vestiaire ainsi que sa fierté, de réagir en se rendant compte que tous les enfants abusés ne parlent pas ; qu'il y a des rapports consentis, qu'il y a des gens à aider, d'autres à enfermer, qu'il y a des enfants détruits et que la haine envers les pédophiles ne va pas les aider à s'en sortir.
Tant que tout le monde ne pourra pas s'exprimer sur ce sujet, les erreurs que répandent certains hystériques seront prises pour des évidences.
Je comprends les sentiments qui animent les protecteurs de l'enfance, et je crois en leur sincérité, car j'ai essayé de me mettre à leur place. Je comprends aussi que beaucoup de gens soient choqués par mes propos.
Il faudrait comprendre les enfants, les adultes, essayer de se mettre à leur place, comprendre que tous les enfants sont différents, que l'enfant n'est pas une entité unique et prédéfinie par Freud. Je pense que respecter l'enfant, c'est comprendre qu'il a une âme, un coeur, qu'il ne fonctionne pas comme son copain de classe, qu'il est unique.
Pour que les choses progressent, je pense qu'il faudrait que chacun s'interroge sur soi. Que feriez vous si vous étiez attiré par un enfant? Si vous en tomberiez amoureux? Faut-il vraiment vous tuer, vous castrer à cause de cela? Ou vous aider?
Il faut dialoguer, quelques pages sont loin de suffire, quels que soient les arguments avancés. Les pédophiles pourront voir leurs erreurs, de nombreux protecteurs de l'enfance aussi, et tout cela pour les enfants, pour les adultes, dans le respect véritable des personnes.